lundi 9 septembre 2013

Treizièmes rencontres à l'UNESCO


Dans le cadre de la journée mondiale de la philosophie
au Siège de l’UNESCO, à Paris

les 26 et 27 novembre 2013 prochains
auront lieu
Les treizièmes Rencontres sur les Nouvelles Pratiques Philosophiques 

 Le thème retenu pour cette nouvelle édition est le suivant :


 « Éthique-(s) – à l’épreuve de la philosophie, des sciences et de l’éducation »


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mardi 4 juin 2013

Amorcer une discussion philosophique...

Untitled
1974
Timothy Hildebrandt
collection of the artist
 
 


     Partir d'une oeuvre d'art, la reproduction d'un tableau par exemple, peut être un excellent moyen d'introduire une discussion philosophique, de nourrir l'atelier philo, de créer une impulsion forte. Ce peut être un appréciable starter dans bien des cas... Faites nous part de vos expériences !

mardi 21 mai 2013

Philosophie et Art en maternelle




    Cet article nous est proposé par Eva ABI FADEL, membre de PhiloArt, qui est doctorante en Sciences de l’Education à Lyon2... Sa thèse est intitulée : Une rencontre « philosophique » avec l’art ? Les ateliers Philosoph’art : observations, interprétations, interrogations en France et au Liban.






    Cela fait deux ans que l’association Philosoph’art mène une expérience de philosophie et d’art en maternelle dans une classe de grande section. Un atelier Philosoph’art en maternelle dure en général une heure et il est encadré par un animateur de philosophie avec les enfants et un animateur de pratique artistique. Lors de la première année d’expérience, la pratique artistique menée après l’atelier de philosophie c’était « le théâtre » selon Farida Zekkari, intervenante artistique, spécialisée en théâtre et au cours de la deuxième année, de même des ateliers de clown ont été menés par Camille Formenti, intervenante artistique, spécialisée en art clownesque.




    A noter que ce qui est important dans un atelier de Philosoph’art en maternelle, ce sont les diverses formes qui se multiplient autour d’un même concept : formes verbales (l’atelier de philosophie en maternelle), plastiques (l’exemple du dessin puisqu’il y a toujours un dessinateur qui va dessiner la discussion qui se déroule entre les enfants et l’animateur), artistiques, imagées et corporelles
(« théâtre », « clown »).
 
 
 
    Mener des ateliers philosophiques en explorant des thèmes existentiels avec des enfants âgés de 5 ans et qui possèdent encore des conceptions imprécises des concepts, de leurs signifiants et de leurs signifiés, permettrait une découverte de sens et un développement au niveau des compétences langagières. Il s’agit tout d’abord de proposer aux enfants un lieu d’expression libre et de parole où ils apprennent à prendre la parole dans un groupe, à apprendre à s’écouter, à respecter le point de vue de l’autre, à échanger avec lui, à se faire comprendre, à défendre son point de vue en apportant des arguments à l’appui. Il s’agit d’une dimension démocratique de l’atelier philosophique où la prise de parole est régulée par l’instauration de règles bien déterminés, entra autres, écouter et reformuler l’idée d’autrui, exprimer son accord ou son désaccord avec l’idée de l’autre tout en justifiant sa réponse, si possible.

 
    La première année, l’expérience Philosoph’art a été mené avec 15 enfants de la Grande Section de la maternelle, la 2ème avec 12 enfants toujours de la grande section de la maternelle, les ateliers de Philosophie et d’art ont porté essentiellement sur le thème des émotions (la joie, la tristesse, la colère, l’amour, la honte, l’impatience…), mais cela n’a pas empêché de traiter avec les enfants de sujets comme l’imagination, la beauté, l’existence de Dieu, être seul, être avec les autres,… A noter que dans les deux années d’expérience en maternelle, il s’agissait d’une classe à double niveau et des moyens importants ont été pris en charge par Philosoph’art, et les ateliers se sont déroulés dans un local calme (la bibliothèque de l’école et la salle de musique) ce qui a permis aux enfants de s’exprimer librement et de trouver leur place au sein du groupe.

 

 


    La fréquence des ateliers Philosoph’art en maternelle a été hebdomadaire, et pour assurer un déplacement vers une nouvelle activité en maternelle, qui est celle de Philosoph’Art, un rituel a été mis en place au début de chaque atelier constituant comme une sorte de code, d’une habitude récurrente pour les enfants pour les préparer à cette activité de pensée et de mise en mouvement de la pensée : Tout d’abord, les enfants entrent dans la salle, ils enlèvent leur chaussures et les mettent de côté pour se sentir plus à l’aise et puis l’animateur ou l’animatrice de philosophie avec les enfants met une musique correspondant à la musique du « petit train », les enfants font le train en se mettant les uns derrière les autres et se dirigent doucement vers le cercle philosophique où ils vont prendre leurs places. Lors de chaque atelier de philosophie en maternelle, un enfant est désigné pour dessiner la discussion de l’atelier philosophique, il dessine les idées qui ont retenu son attention et explique son dessin à la fin de l’atelier philosophique. Donc il s’agit de représenter le thème par le dessin, d’où une illustration supplémentaire du thème discuté, le dessin participe aussi de l'écoute et de l'attention portée sur la discussion par le ou les dessinateurs-(parfois deux dessinateurs sont désignés pour dessiner l’atelier de philosophie), la retranscription de la discussion en images nécessite une écoute attentive de la part des dessinateurs, à noter aussi que le dessin a pour fonction de synthétiser les idées avancées pendant l’atelier philosophique.

 


    Au fil des ateliers que j’ai filmés, j’ai remarqué que les enfants progressaient dans la conceptualisation des idées, comme lorsqu’on leur demandait : « C’est quoi l’imagination ? », « Qu’est-ce qui nous fait grandir ? », « C’est quoi l’amour ? », « Dieu, c’est qui ? »… Les enfants définissent les concepts et les idées, les illustrent par des exemples et les sauvegardent dans leurs mémoires pour les explorer ultérieurement sous différentes formes pendant les ateliers Philosoph’art.
C’est ainsi que l’animateur de philosophie avec les enfants part des représentations des enfants pour ensuite les amener à étayer et à approfondir leurs points de vue. C’est tout un travail de découverte de sens et de précision de la pensée.


    Le bâton de parole permet l’organisation de la prise de parole à plusieurs régulation et au cours de la première année d’expérience de Philosoph’art en maternelle, nous avons pu en avoir un exemple flagrant lorsque les enfants se sont arrangés spontanément pour censurer un enfant qui monopolisait la parole en ne lui passant plus le bâton. Donc il y avait eu des stratégies d’évitement de leur part, comme une sorte de révolte qui les a poussées à agir en microsociété comme s’ils voulaient dire : On a le moyen de ne pas subir ça !!


    Les ateliers alternent la pensée individuelle et la pensée du groupe ce qui est fondamental afin de développer la tolérance envers les autres et pour reconnaître leurs douleurs, leurs joies, bref ce tout ce qu’ils peuvent ressentir comme émotions en les amenant à les exprimer et à les verbaliser. De là la diversité des points de vue émerge, ce qui permettrait à l’enfant de réagir face à une idée qu’il identifie comme une résonance, une divergence ou un prolongement à son idée propre. A souligner que le rôle de l’animateur de philosophie avec les enfants est fondamental dans les ateliers Philosoph’art en maternelle car c’est lui qui va étayer pour amener les enfants à se décentrer progressivement à travers son guidage et son questionnement bien élaboré. En effet, c’est lui qui harmonise les idées des enfants en les réunissant ou en les distinguant. Le plaisir de réfléchir individuellement et avec le groupe innerve les ateliers de philosophie en maternelle qui visent à amener les enfants à développer leurs facultés intellectuelles, à se préparer à la vie citoyenne, à développer leur identité personnelle et leur image de soi et les initier à participer à une discussion collective en respectant des règles bien définies à l’avance.

 
    Une fois l’atelier de philosophie terminé, les enfants savent qu’ils vont passer à une pratique artistique (« théâtre » en 1ère année, et « clown de théâtre » en 2ème année) où ils vont être amenés à mimer des émotions et à faire preuve de créativité. C’est pourquoi, et à mon sens, il s’agit plus, quant à la 1ère activité artistique, d’un jeu symbolique que du « théâtre » selon l’appellation de Farida Zekkari : Il s’agit en fait d’un jeu de fiction où l'enfant va avoir une prise sur le réel, le modelant en fonction de ses besoins. C’est à travers le jeu symbolique que l’enfant crée son univers en manifestant et en éprouvant tout ce lui échapperait à l’exprimer en mots, il s’agit d’un langage intime et personnel. L’acmé de ce jeu se situe vers cinq six ans. Le symbolisme se noue le plus possible avec le réel et commence à se socialiser peu à peu à travers les activités de groupe et le développement de l’intelligence qui deviendrait plus rationnelles. Par exemple Farida demande aux enfants de choisir une émotion (la peur, la joie, la tristesse, l’amour, la colère, la surprise) et de venir sur scène pour ouvrir une boîte en exprimant l’émotion de leur choix. Les spectateurs disent quelle est l’émotion qu’ils ont vu et le «comédien » dit si c’est le cas ou non et indique ce qu’il avait imaginé dans la boîte.

 


    La salle pendant la pratique artistique est aménagée de manière à former un espace réservé au public (des bancs ou des chaises réservé aux « spectateurs) et un espace « scénique » réservé au « comédien ». C’est ainsi que les enfants, dans « le jeu symbolique » et dans l’activité du « clown de théâtre », vont acquérir des techniques indispensables au comédien, entre autres :

-la différenciation de l’espace : espace scénique et espace du public, espace des coulisses et espace scénique
-La différenciation des rôles : rôle d’acteur et rôle des spectateurs
-Développement de la conscience de leur propre corps.

    En atelier de clown par exemple, les enfants vont explorer certaines règles du clown de théâtre : le clown regarde le public, les enfants découvrent la technique du regard-public et la palette des émotions. Ils apprennent à jouer un sentiment, ils s’exercent à ressentir dans quel état se trouve leur personnage de clown et quelle émotion il ressent. Ce n’est pas ce que le clown dit ou fait qui est drôle mais ce qu’il ressent. De plus le clown joue, il s’amuse de tout. Ainsi, les enfants s’exercent aux démarches : mise en jeu du corps, transformation de son propre corps en fonction des positions dans lesquelles on se sent bien, accentuer les caractéristiques de son propre corps, ou se transformer en démarches typiques. L’exercice des démarches fait naître différentes émotions avec lesquelles on va pouvoir jouer et inversement : comment chacun marche quand il ressent telle ou telle émotion ? Les enfants découvrent le langage du corps et du visage et apprennent à incarner les émotions : chez le clown, le corps devient émotion, le geste, un poème. C’est ce qui permet à l’art clownesque d’être universalisable. Ainsi, les enfants découvrent que leur corps a un langage pour exprimer l’état dans lequel on est, chacun est invité à trouver sa propre expression. Le clown a en plus de son corps, les expressions du visage et le son, les bruitages, pour exprimer son émotion. - jeu avec les objets : quelle émotion et quel jeu naissent de ma rencontre avec l’objet ? Ce n’est pas comme dans la vie où c’est l’homme qui agit sur les objets, ici, c’est l’objet qui agit sur le clown, le clown est modifié par l’objet : son corps, ses gestes, son humeur, etc.


    Aussi l’autonomie des enfants se développe : ils apprennent à mettre le nez de clown tout seul, à découvrir le rôle de spectateur actif : il doit toujours regarder le clown pour que ce dernier puisse exister à travers le public et développer son écoute du public, il est dans ce sens un spectateur de soutien, les enfants exercent leur regard critique en tant que spectateur et apprennent à donner leur avis et à faire des retours constructifs après le passage des autres, ils développent une écoute attentive.


    Le thème abordé pendant un atelier Philosoph’art en maternelle est global, il est commun à l’atelier philosophique et à l’atelier artistique mais il est exploité différemment dans l’un comme dans l’autre (en atelier philosophique on discute du thème abordé, en pratique artistique, on mime des scripts d'actions et de comportements, par exemple, si en atelier philosophique, on parle du bonheur, de la joie ou de la tristesse, au cours du jeu symbolique, on mime des situations de bonheur ou de malheur et on essaie de jouer les émotions correspondantes.

   « Le jeu symbolique » et le « clown de théâtre » baignent par excellence dans l’univers émotionnel. Et c’est à travers ces pratiques artistiques que chaque enfant va devenir comédien et va éprouver d’une manière plus amplifiée des émotions et des comportements afin de mieux les apprivoiser.

 

    Donc, les pratiques artistiques de Philosoph’art en maternelle sont à la fois un médium et un art : un médium par rapport au thème de l’atelier philosophique, qu'il s'agirait d'exemplifier par d'autres moyens, un moyen en vue d'une fin -il s’agit de refléter le thème de l’atelier philosophique sans poser des problèmes existentiels de manière explicite- et un art puisqu'il s’agit d’une création et d’une acquisition d'habitus artistiques quand les ateliers s'inscrivent sur la durée (production finale, réalisation artistique, spectacle, projet de création).


    Il s’agit ainsi de matérialiser la pensée à l’aide d’une expression palpable d’une émotion, d’un ressenti, d'une individualité. Chardin disait : « On ne peint pas seulement avec des couleurs, on peint avec le sentiment ». C’est ainsi que la palette des émotions constituerait un des produits de base de la pratique artistique. L’artiste alimente son œuvre de son ressenti et de ce qu’il souhaite communiquer aux autres. Chaque émotion se teinterait donc d’une couleur, d’une attitude, d’une représentation pour amener l’individu à s’exprimer en créant (développement de l’expression et de la créativité) sous forme corporelle, imagée, plastique… Il s’agit donc d’engager son expression corporelle au service de la création en mettant sa pensée en mouvement et en exprimant ses émotions tout en prenant conscience de son corps et de sa libre expression.
 
Eva ABI FADEL




vendredi 17 mai 2013

Atelier philo inter-générations : le bonheur...

    Suite à une projection-débat autour du film "Ce n'est qu'un début" que j'avais animé en novembre dernier à la médiathèque de Jouars-Pontchartrain, dans les Yvelines, on a décidé avec la responsable de la médiathèque de créer un atelier philo inter-générations, l'objectif étant de faire discuter ensemble enfants et adultes, des générations aussi dissemblables que enfants, parents, grand-parents, arrière grand-parents... Nous ne savions pas du tout si le concept allait fonctionner, si l'on allait pouvoir réunir des participants d'âges aussi variés... Nous avons décidé de tenter un premier essai en février et de voir si l'on pourrait continuer sur cette base.

    Le premier atelier, le 22 février 2013, a réuni une vingtaine de participants de tous les âges... Le plus jeune avait six ans et la plus âgée avait dépassé les soixante... Il y avait à peu près huit enfants et douze adultes. La discussion s'est révélée extrêmement riche et l'excellente participation des enfants a été saluée par l'ensemble du groupe. Il s'est réellement instauré une communauté de recherche intergénérationnelle. Cette expérience a été un vrai succès et elle a tellement emporté l'adhésion des participants qu'on a décidé de renouveler l'atelier philo inter-générations une fois par mois.


Pour ce premier atelier, le thème choisi comptait parmi les plus universels : le bonheur... En voici la transcription :





(Auguste Renoir, Bal du moulin de la Galette, 1876)

    Le bonheur, c'est un sentiment de bien être que l'on éprouve au plus profond de soi-même et que l'on a envie de partager avec les autres...
    C'est la sensation intense d'appartenir à un tout, d'être relié et de faire partie intégrante d'une communauté, tout en étant capable de partager avec les autres...
    C'est le sentiment de plénitude que l'on éprouve lorsqu'on parvient à être en accord avec le monde, avec son entourage et avec soi-même...
    C'est ce qu'on ressent quand on parvient à réellement partager, à aimer et à être aimé et qu'on éprouve une authentique réciprocité de l'amour...Le bonheur, c'est aussi pouvoir recevoir quelque chose de quelqu'un et donner gratuitement, sans espoir de retour, sans attendre un quelconque bénéfice ou autre récompense...
(Henri Matisse, Luxe, calme et volupté, 1905)
    Le bonheur réside aussi dans l'observation, la contemplation de la nature et la sensation de faire corps avec elle, de faire partie du grand Tout. Il peut résulter, de la sorte, d'une émotion esthétique, lorsqu'on est dans un paysage que l'on trouve particulièrement beau, dans une lumière exceptionnelle, avec des odeurs agréables, des chants d'oiseaux mélodieux, bref une ambiance composée par une multitudes d'éléments naturels qui semblent concourir à une sorte de perfection...
(Nicolas Poussin, Le printemps ou le paradis terrestre, 1660)


    Le bonheur peut-être aussi physique, une sensation d'harmonie indicible entre son mental et son corps, ses muscles, ses sens, sa façon de se tenir, de bouger, d'être au monde...

(Henri Matisse, La danse, 1909)
    Il peut aussi consister à savoir se contenter de choses simples qui sont aussi capables de vous emplir de joie, peut-être même beaucoup plus que des artifices sophistiqués ou des activités coûteuses...
    On éprouve du bonheur lorsqu'on peut se consacrer à des activités que l'on aime pratiquer...
    Le bonheur n'a pas un caractère forcément automatique, il se construit et il peut même résulter d'un véritable travail sur soi : dans ces conditions, le bonheur n'est plus forcément dépendant des circonstances et des évènements extérieurs et il peut ne jamais finir, sauf, évidemment s'il survient dans notre existence un accident de vie qui nous affecte ou nous blesse particulièrement...
    Notre bonheur n'est jamais vraiment complet et, dans le même temps, il se construit en se fixant des objectifs accessibles. Ceux qui visent trop haut et sont trop ambitieux ne seront jamais heureux car ils conserveront toujours en eux-même une large part d'insatisfaction...

    Dans une vie, dans une existence humaine, on traverse toujours des moments de bonheur, même lorsque les circonstances extérieures sont pénibles... C'est ce bonheur même à peine entrevu, même très fugitif qui nous permet de continuer notre chemin, qui nous permet d’espérer et d'affronter les moments de désespoir ou de découragement qui pourraient se présenter ensuite...
(Auguste Renoir, Le déjeuner des canotiers, 1881)
    Il existe un poison qui menace le bonheur de l'être humain : c'est la jalousie... Les manques, les frustrations et les comparaisons stériles nous empêchent d'avancer et d'atteindre le bonheur... Le bonheur, c'est nous et nous seuls qui sommes capables de le créer par les relations que nous entretenons avec les autres. Alors, dans cette hypothèse, le bonheur pour un être humain serait-il forcément lié à une notion de partage ? Serait-il impossible à atteindre sur une île déserte ?
(Claude Picard, Le paradis terrestre, 1986)
    Notre conception du bonheur n'est pas la même tout au long de notre existence ; elle est en perpétuelle évolution, en perpétuelle mutation, et elle dépend aussi des personnes de notre entourage, des personnes avec lesquelles on vit. C'est très mouvant, très instable, très insaisissable, et ce qui paraissait hier digne de nous faire parvenir au bonheur nous semble souvent aujourd'hui sans grand intérêt. Les fausses pistes sont nombreuses dans ce domaine...

    Peut-on établir une distinction entre plaisir et bonheur ? Le plaisir est une sensation ponctuelle et le bonheur un état prolongé ; le plaisir s'envisage dans l'instant et le bonheur implique une plus grande constance. Souvent, les plus jeunes pensent que le plaisir et le bonheur peuvent se confondre mais, au fur et à mesure que l'on avance sur le chemin de la vie, on s'aperçoit que le bonheur demande un effort de recherche assidu et un supplément de sensation de plénitude par rapport au plaisir. En même temps, le bonheur est une notion plus abstraite que le plaisir, il est plus difficile à définir. C'est sans doute un objectif à plus long terme que l'on essaie d'atteindre. C'est un idéal vers lequel on s'efforce de tendre. Si certains ont le sentiment de pouvoir y parvenir, d'autres constatent, dépités, qu'il s'éloigne au fur et à mesure que l'on s'en rapproche comme ce pic enneigé, lors d'une randonnée en montagne, qui paraissait si accessible au début...
(Auguste Renoir, Les baigneuses, 1918)
 
    Il faut souligner néanmoins que celui qui connaît le bonheur est plus réceptif aux plaisirs. A l'inverse, l'état dépressif se caractérise par une impossibilité à éprouver du plaisir... Lorsqu'on fait plaisir aux autres, on se fait en même temps plaisir à soi-même et l'on augmente ainsi son bonheur, plus sûrement sans doute que lorsqu'on est en quête de plaisirs égoïstes qui n'apportent qu'un illusoire mieux-être...
    Le bonheur passe-t-il par la possession comme voudrait nous le faire croire trop souvent la société de consommation dans laquelle on vit dans les pays industrialisés ? Le rôle de la publicité et du marketing est de nous faire intégrer l'idée que l'on augmentera son bonheur en possédant le dernier objet sorti, la dernière nouveauté, le dernier gadget à la mode, mais c'est un leurre car à peine acquis, il sera déjà démodé et appellera son remplaçant plus nouveau, plus branché, plus neuf... La frustration du consommateur est programmée par les agences spécialisées dans le marketing. C'est un domaine où les promesses de bonheur entraînent des déceptions inévitables... La promesse du toujours plus est un miroir aux alouettes...
(Henri Matisse, La joie de vivre, 1905)
    Au fond, le bonheur, c'est peut-être parfois savoir se dire non à soi-même, être capable de garder le contrôle, le cap, en dépit des multiples tentations qui surgissent dans notre quotidien...
    Le bonheur, c'est aussi être capable d'apaiser la souffrance que nous procure au plus profond de nous-mêmes la fuite du temps. L'originalité de cette époque est qu'elle nous permet de conserver des instantanés visuels ou sonores (photographie, vidéo, enregistrements analogiques ou numériques) de moments à jamais disparus et qui, autrefois, n'existaient qu'au travers du filtre adoucissant du souvenir et de la mémoire, avec toutes ses imperfections. La précision de ces témoignages d'un passé qui ne reviendra pas est paradoxalement à double tranchant.

    Le bonheur, comme on l'avait précisé au début de la discussion, nécessite que l'on parvienne à se trouver en accord avec soi-même ce qui est parfois incompatible avec l'éducation dont le but est quelque part de nous formater, d'homogénéiser les individus, de les faire entrer dans un moule. Or tout le monde est différent et il faut parfois de grandes capacités de désobéissance pour parvenir à être authentiquement soi-même (réfléchir, c'est déjà désobéir). Être soi-même implique d'être capable de prendre conscience des différentes influences (famille, école, médias, entreprises) et de s'en dégager au maximum.
    Peut-on éprouver du bonheur en accomplissant de « mauvaises actions » ? Les voleurs ou les assassins, ceux qui nuisent délibérément à autrui, pour satisfaire leur propre intérêt, cherchent-ils encore le bonheur ou y ont-ils renoncé parce qu'il n'ont jamais su le trouver, ce bonheur, à la fois si attirant et si insaisissable, si proche et si éloigné, si durable et si fugitif ?
(Marc Hanniet, L'infiniment belle saison, 2012)

lundi 15 avril 2013

Conférence débat dimanche 21 avril



Jusqu'au dimanche 28 avril, se tient une exposition de photographies sur la reconversion des friches industrielles dans l'Oise, à la maison du tourisme des deux vallées, à Chiry-Ourscamps, en face de l'abbaye.

Dimanche 21 avril, de 15h00 à 16h30, conférence-débat :

"Friche industrielle et possible reconversion en lieu d'art, qu'est devenu l'art à l'ère de la production industrielle ?"

L'entrée est libre et gratuite.
Venez nombreux et n'hésitez pas à diffuser l'information.

Philaé, des débats pour exercer sa pensée
Elodie Cabeau-Richard