PhiloArt est un chantier
de Philolab qui s'intéresse aux correspondances entre les Pratiques
Artistiques et les Nouvelles Pratiques Philosophiques, et qui
explore les liens que tissent sans cesse, et ont toujours tissé,
l'art et la philosophie. Son ambition est de réunir des praticiens
issus de différents domaines et de leur permettre de réfléchir et
travailler en commun, pour conforter et enrichir leur approche de la
discussion philosophique, pour mieux comprendre les interactions qui
se jouent, pour élucider certains mécanismes et explorer des pistes
nouvelles...
Afin d'être plus
concret, tel animateur de discussions philosophiques se servira d'une
œuvre d'art pour impulser son atelier, ou bien tel créateur
produira une œuvre artistique avec comme fil conducteur, conscient
ou inconscient, un ou plusieurs concepts philosophiques. D'autres
encore pourront poursuivre l'atelier de discussion philosophique par
des ateliers de pratiques artistiques, pour qu'un langage plastique,
ou musical, ou corporel puisse prolonger la discussion, ou encore
dire d'une autre façon ce que les mots sont impuissants à dire...
On le voit, les pistes de travail sont éminemment nombreuses,
diversifiées et presque infinies...
S'il existe un point
commun à souligner particulièrement entre les pratiques artistiques
et les pratiques philosophiques, c'est bien le mot « pratique ».
En effet, depuis sa création, Philolab s'est donné pour ambition de
promouvoir les Nouvelles Pratiques Philosophiques, et justement, en
insistant sur la mise en pratique de la philosophie. Nous
voulions rompre avec une certaine tradition scolastique et permettre
à la philosophie de sortir de ses bastions traditionnels où l'on
s'occupait surtout de son histoire mais très peu de sa pratique.
L'accumulation de savoirs livresques et de connaissances figées ne
permet pas de résoudre les grands défis qui s’imposent au monde
d'aujourd'hui, et notamment aux systèmes éducatifs des grands pays
industrialisés dans un contexte de plus en plus multiculturel, avec
l'affaiblissement de tous les piliers traditionnels prescripteurs
d'un mode de pensée et d'un code de conduite qui faisaient sans
doute plus facilement consensus et qui s'appliquaient au plus grand
nombre.
Aujourd'hui, il existe
autant de produits culturels que de produits matériels. Les deux
font l'objet d'un marketing intense qui incite surtout à la
consommation. Prenons par exemple les longues files d'attente pour
les expositions très médiatisées dans des lieux prestigieux comme
le Grand Palais ou autre. On y consomme de la peinture, comme on
consomme de la littérature au moment du Goncourt, ou de la
philosophie dans certaines émissions ou revues... Dans un même
temps, au fur et à mesure que les systèmes éducatifs partout dans
le monde se technicisent, élargissent leur offre, on assiste à une
diminution tangible et inquiétante de la curiosité intellectuelle
des élèves et de l'appétit d'apprendre. L'indigestion des
adolescents face à l'offre pléthorique de culture, de connaissances
et de savoir correspond à notre possible indigestion face aux tables
trop bien garnies de ces fêtes de fin d'année...
Mais surtout, ce qu'il
manque, à notre sens, dans la grande majorité des systèmes, c'est
qu'ils nous placent en situation de consommateurs et non de
créateurs, d'acteurs ou de producteurs. Penser par soi-même, comme
créer une œuvre artistique, permet peut-être de retrouver toute
une dimension de son humanité dont on peut, aujourd'hui, se sentir
dépouillé. Sans parler de la culture de hyperspécialisation qui
fait que l'on se sente souvent très peu légitime à exprimer sa
pensée dans quelque domaine que ce soit.
Redonner tout son sens à
la pratique de la pensée réflexive est un outil indispensable pour
la construction de la société de demain, dans un contexte de
multiculturalité, en bousculant les hiérarchies trop figées qui ne
trouvent plus leur légitimité. Les pratiques de la pensée et les
pratiques artistiques sont un gage de souplesse nécessaire pour
s'adapter à un monde en perpétuelle évolution.
L'art peut dire la
philosophie comme la philosophie peut dire l'art mais le langage
universel de l'art qui transcende les barrières linguistiques,
permet justement le dialogue interculturel. En associant Pratiques
Artistiques et Pratiques Philosophiques qui ont tant à échanger et
à se compléter, il nous semble que l'on puisse ainsi se doter
d'outils décisifs pour favoriser l'apaisement et l'évolution des
systèmes éducatifs tout en développant l'estime de soi-même et en
retrouvant la curiosité, la soif d'apprendre, moteur essentiel pour
la connaissance.