samedi 25 janvier 2014

L'art et la philosophie

    PhiloArt est un chantier de Philolab qui s'intéresse aux correspondances entre les Pratiques Artistiques et les Nouvelles Pratiques Philosophiques, et qui explore les liens que tissent sans cesse, et ont toujours tissé, l'art et la philosophie. Son ambition est de réunir des praticiens issus de différents domaines et de leur permettre de réfléchir et travailler en commun, pour conforter et enrichir leur approche de la discussion philosophique, pour mieux comprendre les interactions qui se jouent, pour élucider certains mécanismes et explorer des pistes nouvelles...

    Afin d'être plus concret, tel animateur de discussions philosophiques se servira d'une œuvre d'art pour impulser son atelier, ou bien tel créateur produira une œuvre artistique avec comme fil conducteur, conscient ou inconscient, un ou plusieurs concepts philosophiques. D'autres encore pourront poursuivre l'atelier de discussion philosophique par des ateliers de pratiques artistiques, pour qu'un langage plastique, ou musical, ou corporel puisse prolonger la discussion, ou encore dire d'une autre façon ce que les mots sont impuissants à dire... On le voit, les pistes de travail sont éminemment nombreuses, diversifiées et presque infinies...

    S'il existe un point commun à souligner particulièrement entre les pratiques artistiques et les pratiques philosophiques, c'est bien le mot « pratique ». En effet, depuis sa création, Philolab s'est donné pour ambition de promouvoir les Nouvelles Pratiques Philosophiques, et justement, en insistant sur la mise en pratique de la philosophie. Nous voulions rompre avec une certaine tradition scolastique et permettre à la philosophie de sortir de ses bastions traditionnels où l'on s'occupait surtout de son histoire mais très peu de sa pratique. L'accumulation de savoirs livresques et de connaissances figées ne permet pas de résoudre les grands défis qui s’imposent au monde d'aujourd'hui, et notamment aux systèmes éducatifs des grands pays industrialisés dans un contexte de plus en plus multiculturel, avec l'affaiblissement de tous les piliers traditionnels prescripteurs d'un mode de pensée et d'un code de conduite qui faisaient sans doute plus facilement consensus et qui s'appliquaient au plus grand nombre.

    Aujourd'hui, il existe autant de produits culturels que de produits matériels. Les deux font l'objet d'un marketing intense qui incite surtout à la consommation. Prenons par exemple les longues files d'attente pour les expositions très médiatisées dans des lieux prestigieux comme le Grand Palais ou autre. On y consomme de la peinture, comme on consomme de la littérature au moment du Goncourt, ou de la philosophie dans certaines émissions ou revues... Dans un même temps, au fur et à mesure que les systèmes éducatifs partout dans le monde se technicisent, élargissent leur offre, on assiste à une diminution tangible et inquiétante de la curiosité intellectuelle des élèves et de l'appétit d'apprendre. L'indigestion des adolescents face à l'offre pléthorique de culture, de connaissances et de savoir correspond à notre possible indigestion face aux tables trop bien garnies de ces fêtes de fin d'année...

    Mais surtout, ce qu'il manque, à notre sens, dans la grande majorité des systèmes, c'est qu'ils nous placent en situation de consommateurs et non de créateurs, d'acteurs ou de producteurs. Penser par soi-même, comme créer une œuvre artistique, permet peut-être de retrouver toute une dimension de son humanité dont on peut, aujourd'hui, se sentir dépouillé. Sans parler de la culture de hyperspécialisation qui fait que l'on se sente souvent très peu légitime à exprimer sa pensée dans quelque domaine que ce soit.

    Redonner tout son sens à la pratique de la pensée réflexive est un outil indispensable pour la construction de la société de demain, dans un contexte de multiculturalité, en bousculant les hiérarchies trop figées qui ne trouvent plus leur légitimité. Les pratiques de la pensée et les pratiques artistiques sont un gage de souplesse nécessaire pour s'adapter à un monde en perpétuelle évolution.


    L'art peut dire la philosophie comme la philosophie peut dire l'art mais le langage universel de l'art qui transcende les barrières linguistiques, permet justement le dialogue interculturel. En associant Pratiques Artistiques et Pratiques Philosophiques qui ont tant à échanger et à se compléter, il nous semble que l'on puisse ainsi se doter d'outils décisifs pour favoriser l'apaisement et l'évolution des systèmes éducatifs tout en développant l'estime de soi-même et en retrouvant la curiosité, la soif d'apprendre, moteur essentiel pour la connaissance.